mercredi 22 novembre 2017

Juillet 2017 - Septembre 2017 : ...Réponses

Juillet 2017 (suite)

Le 06 Juillet, soit 2 jours après notre excursion au laboratoire, un mail nous signalant la mise à jour de notre dossier médical vient apparaître dans ma boîte.
Je suis tranquillement chez nous à ce moment-là et m'étonne de la rapidité pour l'obtention des résultats étant donné qu'on nous avait plutôt parlé d'une petite semaine. Je décide bien entendu d'attendre le retour de Papa Poisson pour ouvrir le mail, car lui est au travail jusqu'à 23h30 ce soir-là.
J'ai le coeur qui bat la chamade et j'essaie de me concentrer sur n'importe quoi d'autre pourvu que ça ne concerne pas ces fichues analyses !

Il est aux alentours de minuit quand mon travailleur passe enfin la porte de la maison. Je lui laisse à peine le temps d'enlever son manteau et ses chaussures, l'interroge en même temps rapidement sur sa journée, quand il s'aperçoit que j'ai quelque chose à lui dire.
Je n'y vais pas par quatre chemins et lui dit que nous avons reçu les résultats.
Il se fige un instant puis me propose de les regarder immédiatement tous les deux, même si je vois à son regard que s'il avait été seul il aurait sûrement pris quelques minutes pour se poser avant cela (mon dieu, que j'aime cet homme de si bien me connaître !)
Nous nous asseyons sur le canapé, je rentre le code sur le site du laboratoire puis, alors que nous retenons notre souffle, je clique sur l'unique PDF affiché.

Rien.

Le nom de Papa Poisson apparaît, la date et l'heure du prélèvement, le nom de l'examen et les différentes sous-parties étudiées, les normes pour chacune d'entre elles, mais pas de résultat.
Je revérifie le reste de notre dossier au cas où un autre PDF m'aurait échappé mais non, il n'y a rien de plus pour l'instant. Nous soufflons tous les deux, à la fois soulagés et déçus.
Je m'excuse de nous avoir fait cette montée de stress inutilement et Papa Poisson m'autorise donc à lire les résultats (si cette fois il y en a) à réception du prochain mail.

Et c'est le 10 Juillet qu'un nouveau mail fait son apparition.
Cette fois je suis au travail également et sursaute en voyant la notification. Je m'éloigne quelques instants et vais aux toilettes pour ouvrir le PDF mis à jour.

Je parcours les premières lignes rapidement.

"Ok..."

Visiblement, les spermatozoïdes de Papa Poisson ne sont pas très nombreux, mais ils sont relativement proches de la norme.
Je suis un peu triste de lire cela, je réfléchis à comment en parler à Papa Poisson à son retour, mais j'y vois là une explication logique à notre attente.
Je continue de faire défiler l'écran et lis qu'en terme de vitalité tout va bien. Ils sont cependant un peu lent semble-t-il, mais ils avancent.

Le résultat suivant me laisse perplexe :
"Forme Atypique : 100%"
Je commence par croire que nous avons enfin un résultat positif, un élément qui va vraiment super bien !
Puis je tourne la page et vois la ligne d'après, écrite en rouge vif.
"Forme Typique : 0%".
Je ne comprends pas, me dis que je venais de lire 100% juste avant. Et c'est là que je réalise le mot que j'ai lu en premier. Atypique, et non pas typique.
Mon coeur manque un battement.
Je relis trois fois de suite le nombre, le compare aux normes, qui se révèlent bien différentes.
Non.
Je refuse ce zéro, ce rond carmin qui tâche la feuille, puis écrase mon coeur, submerge mes pensées. Anéanti notre avenir ?
Je ne retiens pas davantage mes larmes qui viennent flouter l'écran de mon téléphone.
Je les essuie et, avant que d'autres n'arrivent, je tape le résultat trouvé sur internet et, ne me fiant qu'à des sites certifiés, je traduis ce "forme atypique" par l'explication que les spermatozoïdes sont donc mal formés ; flagelles manquants, obliques, tête plates, déformées... Je me rends vite compte d'après les résultats des lignes suivantes que Papa Poisson est effectivement touchée par chacune de celle-ci, parfois plusieurs pour un même spermatozoïde.

Pour finir je laisse mes yeux errer, le coeur comme arrêté, sur la dernière phrase du bilan : "Oligozoospermie (modérée); asthénozoospermie primaire modérée, et tératozoospermie polymorphe avec index d'anomalies multiples élevée".
Je connais malheureusement ce jargon.
OATS. Oligoasthénotératospermie. Voilà ce dont est atteint Papa Poisson. Des spermatozoïdes peu nombreux, lents, et malformés.

Je comprends avec douleur qu'il va falloir renoncer à cette idée idyllique d'une grossesse spontanée.

Et la pensée qui me vient ensuite me déchire encore davantage : comment vais-je annoncer ça à Papa Poisson ?


Août 2017 :

Pour être franche, je serai tout à fait incapable de raconter la réaction qu'il a eu ce soir là, quand il a eu les résultats entre les mains. Je me souviens l'avoir vu silencieux, très silencieux. Trop silencieux.
Rien ne sortait.
Et puis les jours ont passés, et toujours rien ne sortait.
Il y a eu une trêve, un moment de douceur dans cette tornade qui venait de s'abattre sur nous. Car j'ignorais que peu de temps avant ces histoires d'examens, Papa Poisson avait décidé de me demander en mariage. Nous avions décidé quelques semaines plus tôt de nous pacser, pour des raisons purement administratives il faut l'admettre, nous n'avions même pas prévu de célébrer l'événement. Pourtant le 24 Juillet, le soir même de notre PACS, Papa Poisson m'a emmenée dîner dans notre restaurant préféré et, accompagné des serveurs qu'il avait mis dans la confidence et a contribution, "notre" musique est venue se jouer dans les enceintes au moment où le dessert arrivait à notre table.
Papa Poisson m'a fait la plus belle déclaration d'amour que j'aurais pu imaginer ; à base de souvenirs, de rires, de vérités, de promesses d'avenir. Il a mis un genou à terre et m'a posé la question fatidique à laquelle j'ai bien évidemment répondu oui, les yeux embués (bon d'accord, pour être tout à fait honnête, j'ai d'abord bêtement hoché la tête de haut en bas avant de m'apercevoir qu'il attendait anxieusement un "oui" prononcé de façon audible).
S'en sont rapidement suivi les premiers préparatifs, l'annonce à la famille proche, puis les congés d'été (amplement mérité héhé) et ainsi le sujet restait relativement tabou.

J'avais tout de même informé (avec l'accord de Papa Poisson bien entendu) mes parents et mes plus proches amis des résultats du spermogramme, et prévenants comme ils sont, ils n'ont pas omis de nous transmettre leur soutien. Lui s'était occupé d'en parler, avec mes encouragements, à sa mère et à sa soeur, puis également à son frère.

Les réactions ont été diverses et variées;
Certains nous ont dit que c'était peut-être une erreur du labo, car de toute façon on nous avait bien dit que le résultat, s'il était mauvais, nécessiterait un second examen pour confirmer le diagnostique.
D'autres ont pensé bien faire en nous disant que ça ne changerait peut-être rien, que ce n'était "que des chiffres", que ça n'empêcherait sûrement pas une grossesse naturelle car même malformés, il y avait des spermatozoïdes et qu'après tout "il n'en faut qu'un !".
D'autres encore m'ont asséné de la même rengaine que j'entendais déjà depuis plusieurs mois "mais non mais tu vois, ça te stresse encore plus, forcément ça ne peut pas marcher".
Et puis il y a ceux qui ont été d'un soutien indéfectible dès la première seconde.
Nous assurant qu'ils nous aideraient s'ils pouvaient être d'une quelconque utilité.
Nous rassurant quant au fait qu'on arriverait quand même à l'avoir, notre Petit Poisson, et tant pis si la médecine devrait s'en mêler.

Ce sont ceux-là, qui nous aident à garder pied.
Et ce sont ceux-là même, qui nous poussent à affronter ce qu'on essaye d'oublier.

C'est ainsi que j'ai confronté Papa Poisson, après plusieurs semaines à plus ou moins taire l'évidence ; il allait falloir prendre rendez-vous avec la spécialiste de la fertilité dont nous avons parlé Miss PP.

Septembre 2017 :

Rapidement après cela, j'ai récupérer auprès de Miss PP les coordonnées de la fameuse doc'.
J'imaginais que nous obtiendrions un rendez-vous trois mois plus tard, mais à ma grande surprise on nous a proposé un créneau le 03 Octobre au matin. Joie !
En parallèle, Papa Poisson avait réussi à se décider à rappeler le laboratoire pour retourner faire le second spermogramme. En effet, pour valider le diagnostic d'OATS, il est nécessaire d'effectuer un deuxième examen, 3 mois plus tard (cela correspond au temps de fabrication de nouveau spermatozoïde). Entre temps Papa Poisson a donc arrêté toute consommation d'alcool et a fait en sorte de se coucher plus tôt qu'à l'accoutumée.

Savoir que nous allions réellement consulter une spécialiste dans le domaine de la fertilité (ou plutôt de l'infertilité d'après mon ressenti) aurait dû m'inquiéter, m'attrister ou que sais-je encore comme sentiment appartenant à une palette d'émotion négative.
Mais non.
Moi, je mourais d'impatience.
Je n'avais qu'une hâte : être enfin le 03 Octobre !

Mais si le mois m'a paru long, Papa Poisson pour sa part aurait plutôt souhaité qu'il s'écoule bien plus lentement.
Avec le recul, je peux dire que je ne m'en suis pas vraiment rendue compte sur le moment.
Je ne voulais pas m'en rendre compte.
Si je laissais un quelconque autre sentiment que l'impatience m'envahir, je craignais de craquer, de m'effondrer, de sentir monter en moi une vague de souffrance qu'il n'était pas question que j'assume. Pas maintenant. Surtout pas maintenant.

J'ai envoyer paître mes idées douloureuses, j'ai encouragé Papa Poisson, j'ai arboré mon plus beau sourire bordé d'excitation, et le 03 Octobre est arrivé.